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Prenzlauer Berg

Un monstre dans mon café.

Ses yeux sont si profonds que j’y entraperçois la terre, ses racines, et ses mains sont si grandes qu’elles me tiennent toute entière, son torse si fort que je peux m’y briser, sa bouche précise défie mon trait fébrile, sa peau si dure écorcherait mes lèvres, son nez si droit me remet seul en place. Un monstre innocent, s’il était de papier. Mais je le vois devant moi, je vois ses yeux, ses mains, son torse, sa bouche, sa peau et puis son nez, il se tient devant moi je l’entends respirer je l’aperçois bouger. Il se meut il se peut qu’il s’avance mon dieu il me sourit.
Le monstre me sourit.
Il me montre ses dents il veut me dévorer. Il me montre avec quoi il va me découper.
Je recule d’un pas, oh non il vient vers moi. Je voudrais bien m’enfuir mais en deux pas il sera là, sur moi, sous lui je ne fais pas le poids.
Il me tend un café je ne respire pas. Il le pose devant moi je ne le boirai pas. Plutôt lutter que d’être empoisonnée le monstre boit son café.
J’observe ses yeux si grands et j’y plonge à moitié.
Et puis ses mains si dures, les mains d’un ouvrier. Et son torse précis, parfaitement dessiné, ses lèvres entrouvertes d’où sortent des mots doux, et puis sa peau, son nez, je le vois tout entier. Le monstre serait homme, un homme à embrasser ?
Je trempe mes lèvres, doucement, dans le café. Essuie la mousse déposée du bout de ses doigts avancés.
Mon cœur s’arrête, stupéfait. L’homme se meut, je ne peux plus bouger.
Mes mains vibrantes renversent le café, mes jambes brûlées restent paralysées. Ses doigts brûlants n’ont toujours pas cessé, de caresser le pli, de mes lèvres à mon nez.
J’hésite à les croquer. Oh mon dieu quelle idée ! Ce serait se suicider.
J’entrouvre pourtant ma bouche et mouille mes lèvres humides, comme pour m’y préparer. Le café est trop fort, je ne l’ai pas sucré m’entends-je protester. Terrorisée.
Il ne répondra pas, le monstre au corps d’homme, il y remédiera. Il sucrera mes lèvres, de sa langue délicieuse, me laissera fondre en lui, enveloppée et heureuse.
Je trempe encore mes yeux dans les siens malicieux, je soupire et aspire, à rester dans ce bleu.

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Auteur·e

julietirard

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