Crédit:

Parce que j'avais oublié

sud oubli
©Le Berlinographe

Je suis rentrée en France, entrée en France, moment délicat où l’on ne sait plus si l’on doit dire entrer ou rentrer, parce qu’on n’habite plus là-bas, mais pas depuis assez longtemps ici pour ne pas pouvoir s’empêcher d’utiliser le « r », un peu perdue en somme, dans l’avion du moins, j’y suis allée en tout cas, en France. J’avais oublié ce que c’était que prendre le train. Pourtant dieu sait –enfin, ceux qui partageaient mon année d’alterné, que j’y ai passé du temps dans les trains. Grande voyageuse. La carte et tout. J’avais oublié ce moment de lâcher prise, quand le train démarre dans une douce chaleur, enlever ses chaussures et s’installer en tailleur dans un fauteuil un peu petit. Le visage tourné vers la fenêtre et les pensées qui dérivent, dérivent et partent loin. Les larmes, les to do list, la musique qui va comme de par hasard parfaitement avec le paysage, les films qu’on se fait, les yeux qui se ferment, les films. Et cette envie d’écrire, cette monstrueuse envie d’écrire quand je suis dans le train. Alors dans ces 35 minutes entre Paris et Marles en Brie où l’on m’attend pour déjeuner, je fais mon film. A mon retour je partirai, tous les weekend je prendrai le train, juste le train, j’irai nulle part, le billet le moins cher, et j’écrirai mon deuxième roman. Oui. C’est décidé. C’est ça que je ferai.

Je suis rentrée dans le Sud. Avec un grand R cette fois, parce que le Sud, mon Sud, cette lumière, le soleil qui brûle mes seins au matin, même un 23 décembre, c’est mon Sud, le mien, à jamais sur ma peau. J’avais oublié ce que c’était que d’ouvrir mes volets au matin, sortir sur ma terrasse, à moitié nue, écarter les bras et fermer les yeux, se laisser tiédir, réchauffer, brûler, câliner par un soleil jamais froid, toujours là, aimant, délicieux amant. Sentir l’odeur des pins. S’asseoir en terrasse face à la mer, ne plus rien voir à cause de la lumière, transpirer sous un pull devenu trop chaud, se laisser bercer par le bruit des vagues, les mots.

Je suis rentrée à Berlin. 31 décembre. J’avais oublié comment les gens sont beaux dans le métro pour nouvel an. Déclinaisons de rouge à lèvres. Haleine de bière mêlée de cigarettes. J’avais oublié cette odeur, la bière mêlée à la cigarette. Et j’avais oublié la magie des feux d’artifice, ces quarante-cinq minutes de pur bonheur où tout explose, explose, explose. Hystérique, un sourire comme à jamais transperçant ma figure, sautant sur place, poussant de drôles de petits cris. Et puis cette peur tout de même rationnelle de voir mes cheveux brûler. Et puis ces inconnus prêts à me serrer contre eux pour me rassurer. Et puis ces amis qui sourient aussi. Tout explose, magie des feux d’artifice. Magie des choses qu’on oublie pour mieux les redécouvrir. Promesse d’une année sans cesse renouvelée. Passionnée. Parce qu’on ne change pas que voulez-vous.

Partagez

Auteur·e

julietirard

Commentaires