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Pourquoi je ris avec un bras endolori

Retour à la maison sous ses rires moqueurs (...) doux moment printanier
©Le Berlinographe

E-mail. Je pars en Afrique le mois prochain. Le genre d’information qui ne peut me laisser de marbre. Surtout au matin. Devant ma tasse de café, un œil ouvert l’autre à moitié collé, du genre à recracher l’intégralité de ma dernière gorgée sur mon clavier. Ce genre de nouvelle.
E-mail. Je dois faire un vaccin. Le genre d’information qui ne peut me laisser de marbre. Surtout le soir, un œil ouvert l’autre à moitié fermé, du genre à m’enterrer sous ma couette en me demandant si la fièvre jaune, au fond, c’est si grave que ça. Non mais au fond ?

Arrivée au centre des médecines tropicales de Friedrichstraße. Remplissez ça. Vous avez votre Ausweis ? Je sors ma carte d’identité. Non non, votre Ausweis ! Je sors mon passeport tout frais. Mais non enfin, votre Impfpass, votre carnet de vaccination ? Ah ! Oui mais non, je ne donne pas dans ce genre de collection… Patientez.
Je patiente. Ecris à Martin qui me rejoint dans une heure, peinture de ma table basse au programme. Sois forte Jule ! Oui… Et avec un peu de chance le médecin sera mignon. Smiley outré de Martin, smiley démoniaque de Jule. Rien de mal à rêver.

Arrivée du médecin. Mignon. Très mignon. Finalement un vaccin, au fond, qu’est-ce que c’est ? Asseyez-vous. Volontiers. Vous avez des allergies ? Aux poils de suricates. Il ne rit pas. Moi non plus. Non mais sérieusement ?! A part ça non, je n’ai pas d’allergie au blanc d’œuf (rapport ?!). Mon voyage en Afrique ? Personnel. Non je ne rejoins personne.  Mais j’aimerais beaucoup avoir quelqu’un à rejoindre… Il ne relève pas. Je ne m’en relève pas non plus. Non mais sérieusement ?! Asseyez-vous là. Volontiers, et si on pouvait arrêter de parler par la même… Relevez votre manche sur l’épaule. Volontiers. Ah. Oui mais non. Mon pull reste bloqué au coude. Ca ne vous gêne pas si je l’enlève? Mon dieu, ce ne sont même plus des perches que je lui tends mais des colonnes grecques. Haussement de sourcil, seringue dans la main droite.  Soit… Un, je regarde fixement le mur, deux, aïe, trois, c’est bon, allez, bon voyage et au revoir. Oui, euh merci. Bon, je me rhabille alors si c’est fini… Retour à l’accueil. Gardez-bien votre pass, voilà votre facture, bon voyage et bonne journée ! Oui merci je… euh… Je m’accroche au comptoir, vague de chaleur, mon sang est en marée haute, mes doigts moites glissent sur le formica… Nicht gut là, nicht gut !

Retour dans le cabinet du médecin. Allongée cette fois, avec mon pull toutefois, verre d’eau dans la main gauche, gâteaux dans la main droite. Prenez votre temps… On ferme à dix-neuf heures ! L’Allemand tente une blague, progrès. Il me sourit. Gagné ! Je m’abstiens de commenter, retiens mes propositions post-dix-neuf heures, mon cerveau embué. Martin est à l’accueil. J’entends son rire. Je vous laisse avec votre ami. Oui, non, « ami » hein, « grand ami », pas petit ! Dieu que le vocabulaire allemand manque de précision ! Martin me remet sur pieds. Retour à la maison sous ses rires moqueurs. Et finalement c’est agréable. Un coca à la main, assis en plein soleil dans mes fauteuils en osier, balcon ensoleillé. Doux moment printanier. Rêver à l’amour, trinquer à l’amitié, rire d’une complicité. Le bras endolori, et savourer.

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Auteur·e

julietirard

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