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Comment j'ai eu envie d'aller manger canadien

Un verre de vin...
©Le Berlinographe

Prune, foin et terre brouillée. Plus fort, plus sec aussi. Du genre à laisser sa trace, de grosses empreintes sombres qui ne partiront pas avec la nuit. Peut-être sous l’eau d’un bain. J’aimais les framboises de l’autre nuit. Il sentait la fleur, le géranium, les journées d’avril où ma mère me faisait rempoter les fleurs achetées plus tôt au voisin. Mais celui-là était italien. L’étiquette était trop jolie, il avait trop de parfum. Trop de fleurs finalement. J’ai quelque chose contre les Italiens. La pâte fine d’une pizza à la rigueur. Mais quand on parle de vin je suis bien trop patriote. Quoique j’ai eu une faiblesse pour un chilien. Une fois, une seule fois. Allez deux fois, soyons honnêtes. Mais il en vaut la peine ce chilien. Il fait tourner la tête comme il faut, lentement, de sorte qu’on finisse la bouteille sans dommage, et sans dommage qu’on puisse encore débarrasser la table et aller se coucher sans ramper. Seule, c’est encore une autre histoire. Mais quelle bouteille de vin vide est destinée à vous laisser seule dans vos draps ? A Berlin je m’obstine sur le Merlot. Non pas qu’il ait mon cœur, mais l’Allemand s’obstine à le proposer comme seul vin français. Alors j’ai eu le temps d’y goûter à cette prune écrasée, ce foin grillé, cette boue terreuse. Il a la couleur du comptoir. Et bientôt celle de mes lèvres, si ce n’est pas déjà le cas. Je devrais me décaler d’un ou deux tabourets pour vérifier dans le miroir du bar. Non tant pis, j’assume mes lèvres d’ivrogne. Je préfère des lèvres violettes au ventre plein de bière. Foutus Allemands ! Affectueusement ne nous méprenons pas… Foutus Allemands !

Je refuse de me rendre dans un bar à vin. Une Française échouant dans un bar à vin ? Est-ce que je sers sérieusement des frites à des Belges, sans rigoler ? Des saucisses à des Allemands sans sourire présomptueusement ? Est-ce que, sérieusement, vous imaginez un Canadien me demander si j’ai du sirop d’érable à mettre sur mes crêpes… ?

Il y a de bons vins allemands. Oui. Bon, il y a aussi des tomates en Hollande, elles sont rouges et rondes, et vous ne les achèteriez pas pour autant. Alors laissons à chacun son droit à l’autosatisfaction. Par contre j’ouvrirai volontiers un bar à vin. J’achèterai d’ailleurs volontiers des crêpes au sirop d’érable à un canadien. Tiens c’est une bonne idée ça. D’ailleurs avons-nous jamais vu de crêperie canadienne ? Ce serait chouette pourtant un restaurant canadien ! On pourrait manger… Euh… Ah oui d’accord je vois le problème. Bon, on oublie la crêperie canadienne. J’achèterai du sirop d’érable au supermarché en bas.

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Bon ok j’y vais, ça devient obsessionnel. Foutus Canadiens. Affectueusement bien sûr.

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C’est drôle, en revenant je suis passée devant le vietnamien sur la Hasenheide à Kreuzberg, et j’ai réalisé que SI, on peut ouvrir un restaurant avec 4 ingrédients au menu, tant qu’on a quelque chose pour dissimuler l’ensemble. Piments. Un restaurant délicieux toutefois, toujours plein, avec 2 plats du jour (aux ingrédients identiques, remplacez « Kokosmilch» par « Waldnuss » et choisissez), dont les piments dissimuleront toute différence. Mais j’y retournerai tous les dimanches. Conclusion, les canadiens pourraient ouvrir un restaurant et tout noyer dans du sirop d’érable ! Merde, j’ai oublié le sirop d’érable.

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Il paraît que le sucre annule le sel. On en a tous fait l’expérience dans nos fast-food préférés.

Expérience personnelle, le sirop d’érable n’annule pas le piment. Dégueulasse.

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Auteur·e

julietirard

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