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Pourquoi je me conjugue à l'imparfait

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Et voilà. Je descends de mon vélo. Sous le soleil insolent de ce mois de septembre presque trop beau. Je tourne la clé dans la serrure. Ascenseur. Clé. Serrure. Porte. Chez moi. Je suis chez moi. J’ouvre grand la fenêtre pour me planter un bout de lumière dans le cœur. Je suis chez moi. Enfin. Je n’ai jamais eu autant de plaisir à entrer dans mon petit studio au dernier étage de cet immeuble étrange. Jamais autant eu de plaisir. C’est dire, je pars faire trois courses à pied. Histoire de renouer avec mes voisins, mes pavés, mon supermarché. Histoire de me rappeler qu’ils ont été là pour moi ces deux dernières années, et le seront encore. Eux.

Je me sens bien. Si bien. Presque autant que je me sens mal. Ambivalence qui me rassure. L’extrême opposé a toujours eu mon cœur. Perdus, mes yeux ne voient qu’à moitié, mon crâne étouffe sous le flot d’informations lumineuses, sonores, mais en même temps c’est bon de sortir du mensonge. Comme si je voyais vraiment. Difficilement mais vraiment.

Je ne suis pas parfaite. Ni dans mon travail, ni dans mon quotidien.
Mon amoureux n’est pas parfait. Ni dans son travail, ni dans son quotidien.
Mon corps n’est pas parfait.
Mes choix de vie ne sont pas parfaits.
Ma vie n’est pas parfaite. Ne l’a jamais été. Ne le sera jamais.

Rien de nouveau. Pourtant rien de nouveau. Je sais tout cela. Je peux citer tous mes défauts, les erreurs que j’ai commises, je peux citer mes peines, les horreurs que j’ai pu vivre, que j’ai pu voir, que j’ai entendues. Je peux citer ses défauts à lui, aux autres, à tous ceux qui ont partagé un bout de ma vie. Je sais, je sais que je ne suis pas parfaite, et que les autres non plus, et que personne ne m’a demandé de l’être.
Mais là je le vis. Je l’accepte, de tout mon corps. Je me conjugue à l’imparfait. Et dans le brouillard, dans le gouffre qui s’ouvre sous mes pieds au moment où j’accepte ces imperfections, où je plonge dans l’angoisse qu’elles impliquent, mon corps et ma pensée se retrouvent enfin, se réconcilient. Mon corps et ma pensée se retrouvent enfin. Se réconcilient.

Image d’illustration : « Stare into the abyss » de Eleni Preza. Licence CC

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Auteur·e

julietirard

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