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Parce qu'on m'a donné le droit d'être heureuse

je danse
©Le Berlinographe

Fille du soleil, je danserai toute ma vie. Quelque chose comme ça est écrit sur ma peau je crois. Oui, quelque part entre mon aisselle et mes reins. Et me voilà, seule en plein soleil, je danse, oui je danse. Face à ma fenêtre grande ouverte, dans le soleil couchant je danse, mon casque sur mes oreilles, une main tient le fil, l’autre le téléphone, je danse, musique puissante. Je danse car je ne tiens plus en place. Mon cœur bat trop fort, si fort que je marchais en sautillant tout à l’heure dans la rue, comme si chaque battement me propulsait un peu plus haut, rehaussait encore le sourire qui pointait sur mes lèvres. Aura de joie, on m’a souri sur le trottoir.

Micro éteint, je viens de lui montrer ma main rongée d’eczéma, le dermatologue, psychanalyste, excentrique peintre me demande qui m’emmerde de la sorte, pour avoir un eczéma si violent. Je n’ose répondre. Dérape à la place.
-J’ai une question
-Je t’écoute
-Comment vous faites pour créer encore dans la souffrance, comment c’est possible, après une psychanalyse, de créer encore à partir de cette souffrance ? Moi j’ai écrit des textes merveilleux au plus profond du noir, des textes magnifiques, comme j’ai l’impression que je n’en écrirai plus jamais, quand j’étais sur le fil. Mais j’ai pas envie de rester sur le fil, j’ai pas envie de mourir vous savez, et ce que j’écris maintenant c’est merdique. Je tourne en rond, toujours la même histoire, dans ma petite vie presque tranquille. J’ai pas envie de mourir, mais je meurs si je n’écris plus. Ou mal.
-Petite, l’écriture elle est en toi, en toi, et ça tu ne pourras rien y changer. Ta souffrance aussi elle est en toi, elle sera toujours en toi. Mais si t’as envie d’être heureuse en ce moment sois heureuse ! Bon sang sois heureuse ! T’es jeune ! T’écriras plus tard, ou t’écriras autre chose. Tu le sens non que c’est en toi ? Quand t’écris pas t’y penses non ? Ca travaille dans ton corps.
-Oui.
-Alors voilà. C’est là. En toi. Personne ne changera ça, et ceux qui essaient, ceux qui te diront que c’est de la merde, tu les emmerdes tiens, parce que ceux qui te diront ça c’est des vieux cons, des jaloux, parce que toi t’es jeune tiens !

Alors je danse, je danse les yeux fermés je tourne, je tourne, je tourne, le cœur qui bat à toute allure, je danse dans le soleil qui se cache, je danse et je me laisse aller à être heureuse, du moins pour aujourd’hui. Juste aujourd’hui, juste cet après-midi avant que la nuit vienne. Je danse comme j’ai dansé dans la rue en faisant trois détours avant de me trouver devant ma porte, parce que je n’avais pas envie de rentrer chez moi, j’avais envie de rire toute seule dans la rue, dans le soleil qui décline, après un déjeuner magique. Fantastique, il dirait, lui, en me bouffant des yeux. Lui, qui m’attendait l’autre soir à la fin de mon service…

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Auteur·e

julietirard

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