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Parce que je ne sais pas après quoi je cours

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©Le Berlinographe

Je ne sais plus vraiment après quoi je cours. Les sentiments se mélangent. Les sentiments profonds. Ceux qui attachent mes pieds dans le sol. Car une chose est sûre, je suis revenue sur terre. Avant de m’envoler une nouvelle fois bien sûr, troisième roman oblige, mais pour l’instant, je m’ancre. Agréable. Etrange.
Les sentiments se mélangent, profonds.
Un attachement profond. Jamais je ne me suis sentie aussi forte que l’autre soir. Je quittais ma belle, ma douce Marie, rentrais à la maison, vingt heures, une heure normale de gens normaux, je pédalais vite, sur mon vélo, -3 au thermomètre de la pharmacie, je pédalais vite, la neige s’est mise à tomber, dans mes oreilles une musique incroyable, et je me suis sentie vibrer. Je n’ai pas écarté mes bras pour voler non, je me suis ancrée dans le goudron, la neige, les doigts bien fixés sur mon guidon. Sourire aux lèvres. Forte. Forte.
Douce aussi. Ce matin, je nourris mes chaussures. J’avais regardé faire mon mathématicien à l’époque, s’inquiéter du sort de ses cuirs italiens. Jamais je ne m’étais préoccupée des miennes de chaussures. Hier, j’ai acheté de quoi polir mes bottines en cuir, et ce matin, à la lueur de la neige fraîchement tombée dans la nuit, je nourris le cuir. J’observe les marques laissées par la pluie, les graviers, la boue, je nettoie, je nourris, d’un geste doux, calme, la musique m’enveloppe, la neige me fait sourire, et je câline mes chaussures, et au fond, plus je passe le chiffon sur les fissures, moins mes douleurs me picotent. Chaque mouvement est un bras qui entoure ma taille, un souffle sur ma nuque. Seule dans mon appartement. Délicieusement seule. C’est cela non la vraie solitude, celle qui fait du bien, c’est quand être seul fait du bien. Quand on s’aime sans avoir besoin de se regarder dans la glace.
Forte. Douce. Délicieusement seule. Nourrie.

Je ne sais plus vraiment après quoi je cours. Après qui je cours. Un amour ? Un amant ? Un câlin ?
Parce que je pense encore à lui. Tout le temps je pense à lui. Et quand il me frôle je ne me sens ni forte, ni douce, ni nourrie. Je me sens amoureuse. Seulement amoureuse. Je le regarde et je me demande ce que je peux bien lui trouver. Il n’a rien pour lui Jule franchement. Je sais. Rien pour lui. Et surtout rien pour moi. C’est bien ça le problème non ?
Quand il me frôle je ne me sens ni forte, ni douce, ni nourrie. Je questionne. Mon cœur, mes frissons, mes larmes. Je questionne tout ce qui fait état de cet amour. Et je crie dans mes rêves. Pourquoi on ne se laisserait pas faire, pourquoi on ne se laisserait pas se rendre mutuellement heureux ? Warum soll es so kompliziert sein ? Warum könnten wir einfach nicht uns glücklich machen.
Pour être deux, pour s’aimer, l’amour ne suffit pas il paraît. Il faut le temps, les conditions, météorologiques quasiment. On peut aimer quelqu’un et ne pas avoir de place dans sa vie pour lui. Je sais. Je sais. Je ne suis pas sûre au fond, d’avoir de la place dans la mienne. Pas sûre de pouvoir lui faire confiance again. Pas sûre d’être aussi heureuse qu’il me rend malheureuse.
Je ne sais pas ce que je voudrais. Je ne sais pas ce que j’aimerais. Je ne sais pas après quoi que je cours, après quoi je roule.
Mais de la même manière que je suis sûre de ma force, quand je pédale la nuit sur mon vélo par -5, de la même manière que je suis douce, nourrie quand je prends soin du cuir de mes chaussures au matin, je sais que je l’aime. Quoiqu’il fasse, quoiqu’il dise, quoiqu’il puisse faire. Je l’aime. Depuis la première seconde où je l’ai vu. Depuis le premier mot qu’il m’a dit. Depuis le premier frisson échangé. Il est. Je suis. C’est tout. Parce que j’ai soufflé sur sa nuque, lui ai promis, dans un murmure, sur son sourire, es wird besser mon amour.

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Auteur·e

julietirard

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