Crédit:

Comment je joue au billard

billard

Je suis allongée dans des boules de billard. Des boules de billard. Des rouges, des jaunes, des pleines, des bicolores. Vous voyez le genre quoi. Des boules de billard. Avec la noire là, la 8, que j’ai envoyée trois fois dans le trou quand même. Elle est là, là près de mon poignet. Je l’attraperais bien mais ça bouge trop. Autour. Pas moi. Moi je bouge plus trop. Je ris en fait. Je me marre total. Des boules de billard. Je suis allongée dans des boules de billard. Je ris parce qu’il y a quoi, quatre heures de cela j’étais allongée dans des gros coussins. Des gros coussins. Des rouges, des jaunes, des longs, des bicolores. Je crois même que le tapis était vert lui aussi. J’étais allongée dans des gros coussins. Et maintenant dans des boules de billard. Mêmes couleurs. Même état semi-comateux. Il y a quatre heures j’étais allongée dans des gros coussins de couleurs, je respirais profondément, moment oblige. Je respirais en tenant les positions, j’inspirais, j’expirais, je retenais l’air, bien, maintenant lève les bras et expire dans la torsion. Voilà, j’expire dans la torsion. Et maintenant j’inspire et j’expire dans des boules de billard. Enfin j’inspire, j’essaie. J’ai un peu de mal, je ne sais pas si c’est parce que je ris en même temps ou si c’est le sang dans ma bouche qui me gêne, ou le coup à la poitrine. Bref, j’ai plus de mal à inspirer et expirer profondément que quand j’étais dans des gros coussins. Mais dans les gros coussins je ne me marrais pas autant. Les yeux fermés, les bras de chaque côté du corps, les jambes en tailleur, méditation bienvenue. Quoiqu’il en soit j’étais un peu ailleurs, un peu comme maintenant. Je sens mon esprit qui part un peu ailleurs. Je suis allongée dans des boules de billard aussi il faut dire. Je vois bien un visage au-dessus de moi, celui du gros chauve plein de testostérone qui nous a pris pour des cons Pascal et moi à la première partie. Celle où on a commencé à parier de l’argent disons. Gros chauve gros con qui nous a pris pour des débiles. Ouais, ouais on fait un contre un, tiens 10 €, et puis finalement ah ben non on avait dit deux contre deux, et voilà, je me retrouve la queue entre les jambes, avec la responsabilité de la partie sur mes épaules. Heureusement Pascal n’est pas du genre à me foutre la pression et on a bien joué. On a perdu mais de peu, j’ai tiré trop fort et la boule blanche a suivi la noire. D’ailleurs cet après-midi en fin de séance je crois bien que j’enlaçais des gros coussins gris et noir. Coïncidence hein… haha non bien sûr on s’en fout, et gris c’est pas blanc donc aucun rapport. Je suis allongée sur des boules de billard. Des boules de billard. Des rouges, des jaunes, des pleines, des bicolores. Vous voyez le genre quoi. Des boules de billard. Je les sens sous mes reins, je les sens contre ma joue, contre ma main. Je suis en train de me dire qu’à force de pisser le sang je vais tacher la table verte. Ah tiens, le chauve a disparu, au bruit ambiant je pense qu’il vient d’exploser la tête du petit blond dans le mur. Pourtant s’il y a bien une tête que je pensais qu’il exploserait c’est bien celle de Pascal. Mais non, comme quoi il faut s’attendre à tout. En tout cas moi je ne m’attendais pas au petit blond. Comme je ne m’attendais pas à me retrouver allongée dans des boules de billard. Surtout après avoir passé la journée allongée dans des gros coussins. Une journée binaire on pourrait dire. Binaire. Ca y est ça me reprend. Binaire : se dit d’un processus dont la représentation symbolique ne comporte que deux symboles. Alors disons que un processus tel que « je suis debout je passe allongée », on peut utiliser le symbole boule de billard et le symbole gros coussin. Marrant. Ca y est ça me reprend, je me marre, mais là je tousse en même temps, je crache trop de sang. Quand tu te sens prête tu pourras sortir de la posture. Inspire profondément, roule sur le côté, prends appui sur ta main gauche et reviens t’asseoir en tailleur. Bon, rouler sur le côté ça devrait le faire, en plus je suis entourée de boules de billard, si ça roule pas qu’est-ce qui roule ! La main gauche ça va aussi, elle va bien, s’asseoir en tailleur on oubliera, mais c’est déjà pas mal. Je cherche Pascal des yeux, je crois que c’est lui qui gît là-bas au fond. Le petit blond est en train de se faire virer du bar, ah ben tiens le gros chauve aussi, mais lui ça a l’air d’aller. Putain Pascal lève toi on a une partie à finir, si on gagne celle-là c’est 100€ chacun. Je suis sûre que je peux tout remettre en place, j’ai bien rangé les gros coussins tout à l’heure ! Pourtant c’était le bordel avec les tapis, les blocs, les couvertures… Allez relève-toi je remets tout en place et on continue. Merde allez, on va pas tout arrêter parce qu’un petit con t’a éclaté les dents. Et puis non je t’en veux pas, je t’en veux jamais tu sais bien. Et arrête de t’excuser, depuis qu’on se connaît tu m’as plus souvent dit excuse-moi Jule… que Salut Jule comment ça va! Et je sais bien que j’étais pas sensée prendre ton coude dans le nez et la queue de billard dans la poitrine. Je m’en doute bien ma foi ! Allez viens relève toi on se casse, de toute façon c’est un bar de merde ici. Viens on rentre à la maison. C’est cool de te voir. C’est toujours cool de te voir. En plus j’ai récupéré des gros coussins, viens on va s’allonger là-dedans on sera mieux. Attends je récupère une boule en souvenir, la rouge là, comme ça on voit pas trop qu’elle est tâchée.
Non parce que trop drôle, tu vois là je me suis retrouvée allongée dans les boules de billard mais cet après-midi j’étais allongée dans des gros coussins, mêmes couleurs dis-toi. Mêmes couleurs. Y a des journées comme ça, binaires.

Source image : billard-collection.fr

Partagez

Auteur·e

julietirard

Commentaires