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Parce qu'à nouveau seule dans ce bar

ivre-morte
©Le Berlinographe

Je n’ai jamais aimé les entre-deux. Jamais. Ce soleil qui chauffe mais n’appartient plus à l’été. Ce soleil de septembre qui fait sourire mais ne fait pas rêver.
Me voilà appuyée à ce comptoir de bois. Celui-là même où j’écrivais mon premier texte, avant même de savoir que le Berlinographe existerait. Ce bar, celui-là même où une seule fois seulement je me suis rendue seule, avant d’y être mal accompagnée.  A, Thomas, connards de déceptions. Et me revoilà seule accoudée au comptoir de bois. Il y a un an seulement. Me revoilà seule mon crayon à la main. Un carnet différent attendant la fin de ce texte de cette pulsion pour rentrer à la maison. Comme il y a un an. Seulement ce n’est pas un merlot devant moi non. Un verre de jus de banane. Et un shot de vodka. Merci barman. Merci de me saouler encore. J’ai bien trop bu déjà. A ma santé et à mon samedi soir, on est quel jour déjà ? Jeudi je crois. Oui jeudi, mais c’est le premier soir depuis des jours où je vois le soleil qui se couche sous mes yeux, ailleurs que dans les vitraux bleus de l’église. Trois verres ce jour, pas grand-chose mais largement assez pour moi. Assez pour voir flou ne plus sentir mes muscles qui luttent contre les pédales assez pour avoir peur de ne plus freiner à temps assez pour me retrouver seule dans ce bar seule au comptoir avec mon jus de banane à parler au barman définitivement gay. Définitivement saoule. Et cette jolie blonde à côté de moi n’aide pas. Marilyn oder ? Platine tatouée au possible. Regard bordé de noir, béret et grain de beauté. Sublime. Saoule.

Pourquoi m’a-t-il dit ça l’autre ? Tu me plais. Belle. Intelligente. Tu me prends pour un drogué, un alcoolo, mais je gère, et avec toi je gérerais tout, j’arrêterais tout. C’est pas bien de profiter des filles seules et saoules, en manque de bras rassurants. Je te ferais la cuisine, on boirait du vin en regardant des films, on ferait l’amour toutes les nuits.
Bah non. Désolée. Moi je crois encore au prince charmant, moi je crois encore à ces discours oui, mais venus d’un homme qui lui ne serait pas saoul, n’attendrait pas que je sois saoule pour me dire ça. Stupide, moi je crois encore au prince charmant.
Tellement que me voilà seule devant un jus de banane, accoudée au comptoir du bar en bas de chez moi, espérant qu’on m’enlève, repensant à Thomas, crétin fini mais beau à la fois, ivre vivante et morte à la fois, mon crayon à la main, noircissant à toute allure ce carnet qui n’existait pas il y a un an, repensant à cette année en arrière, repensant à cette fin d’année, à ce qui arriva ensuite, ma main dans mes cheveux blonds à nouveau, contemplant Marilyn à ma gauche, avalant ma vodka sur la droite, pensant à Monsieur S que je verrais bien à mes côtés dans l’instant. Envie de rire, de partager. Envie de rire oui. Envie de rire de moi, de tout de rien à la fois, comme toujours.
Ivre morte. Totalement ivre morte.

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Auteur·e

julietirard

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