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Pourquoi mon coeur n'est pas libre

Manque de défaillir quand l’avion décolle, rosée du soleil qui se lève...
©Le Berlinographe

J’ai acheté ce foutu billet aller. Départ mercredi. Tegel. 6 h 30. Le ventre noué j’ai fait mon sac, j’ai rangé mon chez-moi, pour rejoindre ton chez-toi. J’ai rangé. Nouée. J’ai pris ma douche, en espérant m’y noyer. J’ai réglé mon réveil, terrifiée. Trois heures de sommeil devant moi. Angoisse de ne pas dormir. Angoisse de ne pas me réveiller. Quel est le pire à vrai dire. 4 heures. Plus l’heure de demander. Traverse la rue, découvre avec délice la lumière du Petit café. Lait chaud, réconfort, mon sac sur l’épaule, me voici sur le quai.  4 h 12. Effarée par le métro blindé. Où vont-ils, d’où viennent-ils tous ces gens ? Il est quatre heures du matin bon sang, et on est mercredi ! Je finis par m’asseoir, soulagée. Je ne sais quelle musique choisir, chose rare à Berlin. Péripétie romantique en capitale électronique, matinée lyrique mais l’acoustique m’endormira. Mes écouteurs demeurent silencieux. Je fixe le vide, les yeux ouverts. Ne pas dormir. Manque de défaillir quand l’avion décolle, rosée du soleil qui se lève, pas le temps d’un soupir. Manque de défaillir quand l’avion se pose. Gris, vert, froid, plat. Drôle de pays dis-moi. Je repère un café, t’y attends. Ouvre mon livre mais ne lis pas vraiment. Le ventre noué, je sens mon sac à mes pieds. Sursaute à chaque ombre qui passe. Vulnérable. Je me sens vulnérable.
Ai quitté ma ville, mon chez-moi, mes repères, ce qui m’attache, me fait tenir debout, pour savoir ce qu’il y a entre nous. Parce qu’il me faut aller au bout, toujours aller au bout. L’amour est une drogue comme les autres. A essayer pour voir. Pour savoir ce qu’on veut, où l’on va, où l’on est prêt à se rendre.
Vulnérable. Dans cette maison blanche et noire qui ne m’inspire pas. Trop obsédée par toi. Trop obsédée par ce qui n’est pas ici. Ce qui est resté là-bas. Tout quitter pour voir, ressentir, savoir ce qu’il y a entre nous. Et entre nous il y a 700 km. 690 km qui m’indiffèrent, j’en conviens, et 10 km qui me déchirent le cœur. Car entre nous il y a Berlin. Or cette foutue capitale a mon cœur. Et dans mon cœur Marie, Mathieu, Léa. Et dans mon cœur Martin, Cross, mon chez-moi. Vulnérable sans eux, vulnérable avec toi. Et la brise sur ma joue n’y change rien. La marée à mes pieds n’y change rien. Le cri des mouettes, les coquillages, les champs de blé. Si tu as peur, que dire de moi ! Seule, si seule dans ce pays gris, vert, froid et plat. Attachée à tes yeux, mon cœur subit le manque. Sans elle je suis perdue, incomplète, sans eux je tangue, tu le vois bien, je ne suis bien qu’allongée contre toi. Or je ne sais vivre à moitié. Je suis montée dans l’avion et j’y remonterai. Billet retour. Serre moi dans tes bras mon amour, mon cœur s’envole déjà.

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Auteur·e

julietirard

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