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Pourquoi je les ai mis à nu

amis_courtJe ne sais pas ce qui me fait pleurer. Tout va bien, allongée au bord de la Spree, Hauptbahnhof en vue, ni trop chaud ni trop froid, délicieux mois de mars. Le pollen sans doute, l’arbre qui trône sur la droite, moitié vert moitié mort, et ce jaune qui s’en réchappe. Le pollen oui, sans doute. Et le soleil, son reflet sur l’eau qui m’éclabousse. Je sors mes lunettes sombres, essuie mes larmes, m’éloigne de ces branches malignes, étale ma couverture à nouveau, et sens l’eau ruisseler encore. A chaque clignement mes cils boivent la tasse. Alors je ferme les yeux une fois pour toutes, et dans le ruisseau qui chute entre mes seins, une image. C’est elle oui. C’est vous. Tous les dix, perchés sur mon lit, à moitié nus, me faisant une place, je m’y glisse pour attendre avec vous. Attendre la fin du film. Les dix secondes ultimes de ce plan séquence de quoi, trois minutes c’est ça ? Les dix secondes silencieuses d’un chez-moi vide et plein d’amis, cachés là, derrière le mur, dans mon lit. Trois, deux, un, éclat de rire, on applaudit. On se relève en se frôlant, sans se toucher, sans se crisper, on se regarde dans les yeux, on se  sourit. On rit encore, parce que mince à la fin on est onze dans ce lit, onze copains à moitié nus, sous-vêtements bariolés, à faire un film, mon film, sur l’amitié. Et on refait une prise, on ne sait jamais.
Je vous vois défiler, un par un, et je vous entends rire, murmurer avant de vous lancer. Je quitte la caméra, dernière figurante, cours devant elle, m’arrête devant le lit, relève la tête et ne peux m’empêcher de sourire. Vous êtes si beaux, si drôles mais si beaux, mes doux oiseaux perchés. Je me hisse et me contiens tant bien que mal, je retiens mes bras, me glisse entre vous, au centre du nid, mais de tout mon cœur je vous serre contre moi.
Un film sur l’amitié. Mon amitié à moi. Ma plus grande faiblesse et à jamais ma plus grande force, celle d’aimer à cœur ouvert, sans cadre, sans case, et surtout sans frontière, d’aimer c’est tout, donner et prendre, aider, rire et parler des heures, quelques minutes, une seconde. Me foutre des conventions, des règles, des normes, des conséquences. Sans ambiguïtés et sans sous-entendus, filles et garçons pareils, colocation en sous-vêtements. Sans désir. Dans la plus pure confiance. Amitiés qui ne veulent rien de plus.
Un hymne à l’amitié. Un « idéal », ai-je hier prononcé. Et me voilà devant mon lit en culotte, devant vous dix à moitié nus, peau contre peau, sans gêne et sans tabou, le voilà mon idéal, et en cet instant-là mon film est ma réalité. Douce et belle réalité, dix personnes assez folles pour me faire confiance, me suivre dans ce projet, se mettre à nu, qui croient en moi, croient en mon amitié, en ma façon de les aimer. Voilà d’où viennent mes larmes aujourd’hui. Des larmes de sourires, des larmes d’éclat de rire. Les nôtres résonnent encore en moi. Alors tant pis si j’en perds sur le chemin, des copains qui croient voir autre chose, qui veulent voir autre chose, qui désirent autre chose. Tant pis. Parce qu’avoir dix amis dans son lit qui sourient, ça mérite toutes les prises de tête du monde, tous les malentendus entendus jusqu’à cet instant-ci. Se rhabiller, s’applaudir, sabrer le champagne, trinquer,« A Jule ! », traverser la rue, s’installer dans le Hasenheide Park, s’allonger dans l’herbe, danser, chanter, parler soirée, parler voyage, coiffure, théâtre, vélo, et se goinfrer de nutella. Danser encore, se lancer un ballon, courir, revenir, parler peinture, théâtre, muscu. Ne rien promettre, profiter c’est tout, profiter de nous, dans l’instant immédiat. S’aimer pour ce qu’on est, voilà tout. Revoir le film, encore et encore, en parler toujours, garder ces quelques heures dans notre cœur. Pour toujours.

Merci. Merci, merci, merci. Merci.

Update en ce début du mois d’octobre… là voici

Restons amis from Jule Leberlinographe on Vimeo.

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Auteur·e

julietirard

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