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Parce que ce n'est pas un film

piano film

Si c’était un film, je me rendrais chez toi vers minuit, je prendrais un livre, je m’assiérais sur le pas de ta porte, m’endormirais vers deux heures. A ton retour, vers trois heures, tu me caresserais la joue pour me réveiller, me demanderais ce que je fais là d’une voix douce, je clignerais des yeux, ensoleillée, mon cœur se ferait tambour. Tu m’aiderais à me relever, je m’adosserais au mur, « tu me manques, c’est tout ». Alors tu plongerais tes yeux dans les miens, tu caresserais ma joue, déposerais un baiser délicat sur mes lèvres, et la passion renaitrait, cette flamme qui nous brûlait la langue cet été. On entrerait chez toi, on ferait l’amour. Magnifiquement.

Si c’était un film, je viendrais au restaurant réviser mes partitions sur le piano à queue de la grande salle, je jouerais une heure, puis deux, Schumann, Chopin. Et un après-midi tu serais là. Tu entendrais la mélodie, viendrais voir, écouter. De longues minutes tu m’observerais sans que je ne t’aperçoive. Mes doigts trembleraient soudain, sentant ta présence. Je dirais « salut », tu répondrais « salut », puis tu t’approcherais, tu viendrais contre le chauffage, dans mon dos. Je reprendrais le morceau, les yeux clos, je sentirais ton souffle dans mon cou, sur ma nuque un baiser, tes mains sur mes épaules descendraient sur mes seins.

Si c’était un film il n’y aurait pas d’après. Il n’y aurait pas le jour d’après, la minute d’après, le lendemain matin. On se contenterait d’imaginer. Ils vivraient heureux ensemble.

Mais ce n’est pas un film. Alors je viens jouer sur le piano de la grande salle aux heures où je sais que tu n’es pas. Parce que si tu l’étais je sais que tu ne viendrais pas voir, tu dirais « salut » et tu repartirais.

Ce n’est pas un film alors je ne viens pas t’attendre endormie sur le pas de ta porte, car j’attendrais des heures, j’aurais froid, et quand tu rentrerais je lirais la fatigue dans ton regard, l’incompréhension, la pitié. Tu m’offrirais un thé, resterais loin de moi.

Parce que même si nos lèvres se touchaient à nouveau elles devraient se séparer encore. Se rendre à l’évidence. A mes « pourquoi pas » tu répondrais des « j’aimerais mais », et à jamais nous resterons conditionnels.

Crédit Photo : Nikos Koutoulas, Licence Creative Commons

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Auteur·e

julietirard

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