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Il fut un temps où j'écrivais des lettres d'amour

Je me rappelle de cette phrase, perdue dans les montagnes suisses. Soleil couchant. Ce serait bucolique si ce n’était pas si stressant : mon train, mes trains, ont eu du retard. Pas de réseau, on m’attend. Je me rappelle de cette phrase : « moi aussi, il fut un temps où j’écrivais des lettres d’amour. » Une amie, à peine plus âgée, qui séchait mes larmes. « Moi aussi je tombais amoureuse dans la seconde, j’offrais mon coeur et tout mon corps, j’écrivais des lettres d’amour. » Sous-entendu : auxquelles on n’a jamais répondu. C’est vrai qu’il ne m’a jamais répondu celui à qui je pense, le regard fixé sur le soleil qui se cache bientôt. Je l’ai revu en photo. Joie des timelines de réseau social qui te présentent soudainement les visages de ceux qui ne sont pas (du tout) tes amis, et qui ne sont même pas inscrits sur ce même réseau social. Je l’ai reconnu tout de suite. J’ai reconnu son sourire. Ce sourire qui m’avait fait fondre, tout de suite. A qui j’avais donné mon corps pour une douche, mon coeur en tourments. C’était il y a longtemps maintenant. Et je souris à l’idée de cette lettre. Quelle idiote franchement, mais quelle idiote!

Une lettre d’amour… Oui, c’était sûrement la dernière. La dernière… Même pour l’autre je n’en écrirais pas. L’autre… Son visage remplace le sourire du premier sous mes yeux. Quelle ressemblance entre les deux… Frappant, comme toujours. Maigres, des cheveux informes, marrons, des yeux marrons également, une dépression sans fin creusée par le temps, un style identique à leurs années fac, et de dix ans trop vieux pour moi. Une voix, par contre, une voix sur laquelle mon corps vibra de plaisir un bon millier de fois, insatiable. Accro aux frissons, aux vibrations. Dire leurs noms dans un soupir. L’autre.

Manchmal vermisse ich dich.
Oft denke ich an dich.
Niemals wirst du mein Herz wieder berühren.
Immer noch, sehne ich nach deiner Haut.

Et voilà qu’une nouvelle lettre d’amour s’écrit sur la vitre. Moi, l’impulsive absolue, je me vois déjà l’écrire, la poster, je le vois assis dans sa cuisine ouvrir son courrier, je le vois…

Oui, je l’enverrai à mon retour.

Non, je ne l’enverrai pas.

Encore un projet avorté. Un brouillon de plus, qui rejoint les chansons que je devais emailer, les sms à demi rédigés, les livres commandés puis annulés avant d’être livrés. Car chaque fois que mes doigts s’agitent, ma main se fige. Est-ce que je l’aime vraiment? Ou le suivant tarderait-il à venir?

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Auteur·e

julietirard