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Comment, par une porte ouverte, je suis tombée dans la piscine

Douces couleurs de Wedding
©Le Berlinographe

A me sourit. Mélange de blancs et de bleus, reflets flous, mais bien présents. Il me sourit. Prend ma main, m’entraîne dans un coin. Sombre. Allume une allumette, grille une cigarette, m’embrasse, m’embrase encore. A m’emporte au- dehors. Me prend en photo. Nous rions. Toujours. Nous avons toujours ri ensemble, depuis le premier jour. A nous prend en photo. Tous les deux. A m’embrasse, m’entraîne dans la lumière. A me sourit. Nous sommes dans le train. Mélange de temps et de sons, reflets flous, mais bien vivants. Nous partons, nulle part et partout à la fois. En Islande, en Arctique, aurore boréale, lumière rose pâle, je plane, me baigne et me noie dans cette lumière rose pâle. Où es-tu A ? Je me noie. A ? A ?! On me sourit. Ce n’est pas A. Je nage, me débat, veut sortir de l’eau, sortir de la piscine. Je suis dans une piscine. Seule. Stattbad Wedding.
Cross me tient la main. Ma tête roule. On me soulève.
T’inquiète Jule, on rentre ça va aller.
Dix heures du matin.

Dix-sept heures. Une heure que je flotte et traverse à la nage les fantasmes de ma nuit. Je repousse la couette, m’assois dans le lit. Cross dort encore, emmitouflé dans une djellaba bleue. Du cachemire, ça m’a fait économiser 200 € de chauffage l’hiver dernier j’te jure ! Mathieu est assis dans le fauteuil près de la fenêtre. Casque sur les oreilles, yeux fermés, les doigts battant le rythme sur sa cuisse. Il ne peut pas dormir. Ne pourra pas dormir. Il repartira un peu plus tard, seul cette fois. Mon téléphone s’allume. Trois messages de Max. Martin et moi devons assurer le service du soir, lui en cuisine, moi en salle. Je sors du lit et secoue Martin par l’épaule. Il dort sur le tapis. Je contemple les visages des garçons dans le noir. Sens encore le poids de leur torse quand ils m’ont serrée un par un sur leur cœur. La force de leurs bras quand ils ont soulevé mon corps pour me sortir du bassin. La beauté de leur amour de frères qui éclaire mon âme sombre. Mais rien de tout cela n’aura réussi à remplir le vide en moi. Leurs paroles sonnent creux. Leurs bras ne suffisent pas. Ce ne sont pas ses bras. Ce ne sont pas ses mots. A n’est pas.

Dix-huit heures. Martin et moi quittons la Leopoldplatz pour rejoindre Prenzlauer Berg. Douleurs dans les jambes, dans les pieds. Douceur factice des bougies allumées. Dealers de rêves envolés. Et aucune confiance dans cette réalité, dans cette semaine qui arrive, dans les émotions qui grondent et enflent. Mon cœur a ouvert une porte qui n’a vu personne entrer, courant d’air glacé, j’ai froid sous ma chemise. Rêve des lumières rose pâle d’un désert ô combien désirable. Rêve de se perdre à nouveau, au plus vite, au plus tôt.

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Auteur·e

julietirard

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